REPORTAGE -


- REPORTAGE
les parcours de vie des UPE2A

(actualisé le )

Pendant plusieurs semaines, notre équipe de journaliste des UPE2A a interrogé les élèves allophones nouvellement arrivés en UPE2A pour recueillir des témoignages, leurs ressentis.
Nous avons fait une enquête inédite auprès des élèves qui viennent de pays différents ; certains viennent du continent africain, d’autres du continent européen. Nous avons rencontré aussi des élèves venant d’Asie et même d’Amérique latine.
Ils nous ont raconté leurs parcours, parfois joyeux mais souvent douloureux et difficiles, parce que ce n’est pas forcement de leur propre volonté de faire un déplacement si brusque. S’installer dans un pays étranger est un vrai changement de vie.

Ce changement nous l’avons trouvé dans le niveau des règles sociales, la langue, l’environnement… Les enfants ressentaient de la tristesse, de la solitude mais surtout la peur. Pour la peur, nous avons noté la crainte des fautes, de ne pas bien faire, la crainte que les camarades se moquent et que les professeurs donnent de mauvaises notes.
Au tout début de l’enquête, les élèves ont eu des difficultés à ressortir leurs émotions, leur vécu, les épreuves auxquelles ils ont dû faire face. Dans l’UPE2A, les élèves allophones se sentent plus rassurés car tous ont la même expérience et le même niveau. Dans cette classe, il y a beaucoup de confiance, d’entraide, de camaraderie et surtout une grande solidarité.

 La douleur peut rendre fort

Cette élève est arrivée avec un sac lourd, elle a transformé sa douleur en force

« Ma vie a commencé un certain 16 février d’une certaine année, dans la République Démocratique du Congo. Cette vie n’a jamais été comme j’aurais voulu qu’elle soit, comme celle des rêves que j’ai faits. Je n’ai pas eu un « conte de fée  » mais un « compte de feux.

Pas de papa présent

J’ai grandi avec ma mère, mes grands-parents et un père absent. Je savais qu’il existait, où il était, mais je n’ai jamais eu envie de le voir, ni de lui parler. Je ne pouvais pas lui pardonner car il n’a pas voulu assumer la grossesse de ma mère. La grossesse de ma mère n’était pas une histoire entre adultes, la grossesse c’était MOI, c’était mon existence. Donc, entre ce « père  » et moi, il n’existait pas d’amour.
Ma mère et mes grands-parents ont assuré mon éducation et mes études dans une école privée. Il faut préciser que j’étais studieuse mais capricieuse, l’enfant qu’on choyait faisait de moi parfois une petite peste, mais ma mère me supportait et surtout m’adorait. Toutes les deux, nous avons connu des moments de pur bonheur, nous faisions des voyages ensemble que je n’oublierai jamais. Nous avons connu aussi des moments difficiles mais nous nous serrions les coudes pour se soutenir et passer ces moments de souffrances.

Deuxième douleur

Un mois d’avril, ma mère tomba malade. Sa souffrance était immense mais elle refusait de me la montrer pour me protéger. Elle ne voulait pas m’inquiéter. Elle savait que son cas était grave, très grave. En avril 2014, la situation a empiré. Mes grands-parents se sont occupés d’elle et ils ont fini par l’hospitaliser. Moi, je ne pouvais rien faire, alors je passais mon temps à prier pour que Dieu me la laisse, pour qu’un miracle se produise. Elle était tout pour moi et je ne pouvais pas imaginer la suite sans elle.

Le drame

Le 23 juin 2014, un certain lundi, alors que je rentrais d’une promenade avec mes camarades, le pire était arrivé : ma mère était morte. Le choc de ma vie ! Ma moitié, mon amie, ma mère est morte !
Cette perte a bouleversé ma vie. Je ne parlais plus, je ne mangeais plus. J’en ai voulu au monde entier tellement c’était injuste. Je ne pouvais pas accepter la réalité. Je ne pouvais pas imaginer la suite sans elle. Mes grands-parents me suppliaient de faire mon deuil. Mais comment ? J’ai choisi de le faire pour les autres, mais jamais au fond de mon cœur. Ma mère sera mon ange qui me guidera.

Une providence ?

Après ce « deuil  », mon père refait surface. Je crois que personne ne peut imaginer la haine que je ressentais pour lui et pour la vie. Je ne voulais pas le voir parce que je ne l’avais jamais aimé. Avant que ma mère ne « parte  », je lui avais promis de faire un effort. Je devais donc tenir ma promesse et essayer d’apprendre à le connaitre. Je me pose maintenant la question : si je n’avais pas fait cette promesse, peut-être qu’elle serait encore avec moi… Je n’ai toujours pas de réponse, mais j’en souffre.

Le déchirement

Comme si ces douleurs n’étaient pas suffisantes ! Voilà qu’on m’annonça que je devais partir en France ! Ahhh ! La haine que je ressentis en apprenant cette nouvelle !!! La personne que je n’avais jamais connue voulait me prendre ; il, ce « père  », voulait que je vive avec lui ! Il voulait m’éloigner de mes grands-parents, de la tombe de ma mère ! Pourquoi maintenant ? Que voulait-il exactement ? Je ne veux pas aller en France ! Au fond de moi, la haine grandit ! Je suis trop jeune pour prendre mes décisions et je dois obéir. La vie n’est pas juste ! Elle n’a pas été toujours bonne pour moi, comme si elle voulait me faire payer les moments de bonheur que j’ai vécu avec ma mère. J’ai mal… La vie est dure mais je dois être plus forte qu’elle. Donc, malgré toute ma douleur, j’ai accepté de venir en France.

La France

Lorsque je suis arrivée dans ce pays étranger et étrange, pour vivre en plus avec des inconnus, j’avais peur. Mais j’ai pris sur moi, j’ai décidé d’être forte et de construire la suite avec intelligence. Avec mon père, c’était toujours la guerre, mais cela nous a permis de mieux nous connaitre.

Le collège

L’arrivée au collège a été aussi un moment difficile : mes peurs se sont multipliées. J’avais peur de l’accueil des professeurs. Certains étaient merveilleux parce qu’ils faisaient l’effort d’articuler en parlant, ils expliquaient quand on ne comprenait pas et ces cours se passaient bien. D’autres par contre faisaient leur cours sans se soucier de nous. Certains nous accueillaient sèchement et on se sentait découragés, ça nous démotivait. Les élèves du collège étaient méchants, lorsqu’ils se moquaient de nous
en classe, les professeurs ne les grondaient même pas. Les élèves faisaient donc un peu n’importe quoi et moi ça m’énervait parce que dans mon pays les élèves n’avaient aucun droit de manquer de respect aux personnels de l’école. J’espère que dans l’avenir ils comprendront que ça ne servait à rien d’être irrespectueux puisque ça ne mènent a rien.
J’avais peur aussi des camarades de classe car je craignais les moqueries. J’observais les autres et j’ai fini par faire le tri. J’ai donc réussi à me faire des amis parmi ceux qui viennent d’ailleurs, comme moi. Nous avons formé un groupe très solide pour faire face aux méchancetés. Nous avons décidé de nous protéger, de nous entraider pour être forts. Chacun de nous est arrivé avec son histoire, ses douleurs, ses larmes. Notre union était notre force. Je ne les oublierai jamais.

La vie doit absolument continuer…

Chaque histoire de vie est longue. On ne peut pas tout raconter. Moi, j’ai fait passer mes peines à travers mes souvenirs pour oublier d’autres choses. Mais, à un moment donné, il faut les faire ressortir.

J’aurais bien voulu que ma mère soit là pour voir comment j’applique ses conseils, comment j’applique ce qu’elle m’a appris : écouter les gens, surtout ne pas les juger, sourire chaque jour et être plein d’amour, sont pour moi le meilleur héritage. Perdre un de ses parents c’est un peu mourir vivant . C’est le regard et le sourire des autres qui aide à s’accrocher. Ceux qui ont encore leurs parents doivent remercier Dieu tous les jours et passer leur vie à les respecter. La vie est pleine de surprise…  »

Voir en ligne : Qu’est-ce-que l’UPE2A ?

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